La Bête: Récits

Introduction

Quelques récits liés à des dates clés, et des faits précis:

    ♦ Le Combat de PORTEFAIX: Janvier 1765.

    ♦ Une mère arrache ses enfants au monstre: Mars 1765.

    ♦ La pucelle du GEVAUDAN contre la bête: Aout 1765.

    ♦ La bête d'ANTOINE: Septembre 1765.

    ♦ La bête et les CHASTEL: Juin 1767.

    ♦ Le rapport MARIN: Juin 1767.

    ♦ Les chasses et les chasseurs: de 1765 à 1767 ...


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Le combat de Portefaix

Le Combat de PORTEFAIX, c'est le symbole du courage, celui d'un enfant qui n'hésite pas à aller au combat, se mettre en péril, pour défendre ses camarades. Mais c'est aussi le symbole du commandement, celui d'un chef qui motive ses troupes ... Et Le Roi ne s'y est pas trompé !

Le 12 janvier 1765, 7 enfants gardent leurs vaches à côté du village du VILLERET paroisse de CHANALEILLES, au pacage dit des COUTASSEYRES lorsque.... :

    ♦ Ils ne virent ""la bête"" que lorsqu'elle fut sur eux. Ils se rassemblèrent, firent le signe de la croix, ôtèrent les gaines de leurs baïonnettes. Le petit PORTEFAIX prit le commandement. Il se plaça devant avec les deux plus grands, mit les filles derrière et les deux plus jeunes derrière les filles. Ils viraient sur place, pour faire face à "la bête" qui tournoyait autour d'eux.

    ♦ Soudain elle sauta sur un des petitous. Les trois grands bondirent sur elle, cherchant à l'embrocher. Mais leurs méchantes lames ne lui entraient pas dans le corps. Ils vinrent cependant à bout de l'écarter. Elle se retira à deux pas, emportant un lambeau de la joue du petit, et elle le mangea devant eux. Après quoi elle revint avec plus de fureur, tournant toujours autour de la troupe. D'un coup de museau, elle renversa le plus jeune des enfants; chassée, elle se jeta derechef sur lui, le blessa à la face, fut chassée encore, mais le ressaisit par le bras et cette fois l'entraîna.

    ♦ Un des grands avait perdu coeur , voyant à la joue d'un de ses camarades ruisseler tout ce sang; et voilà que l'autre était emporté par la bête.... Il dit qu'il leur fallait laisser manger celui-là, et, eux profiter de ce temps pour se sauver. PORTEFAIX fut vaillant. Il leur cria de venir, qu'ils délivreraient leur camarade ou qu'ils mourraient avec lui. Tous le suivirent, même le blessé qui saignait, et avec lui coururent après la bête.

    ♦ Mais bien que traînant ce petit qu'elle avait saisi par le bras, "la bête" courrait plus vite qu'eux. PORTEFAIX fit passer un des grands d'un côté, passa, lui, de l'autre, afin que "la bête" prît son chemin par un fondrière. Empêtrée dans la bourbe, les joncs et l'eau, elle dut ralentir l'allure. Les enfants purent la rejoindre.

    ♦ Ne vous amusez plus à la piquer par derrière, cria PORTEFAIX, donnez lui en par la tête, dans la gueule, si vous pouvez, et dans les yeux! Les yeux, ils n'arrivèrent pas à les rencontrer; quant à la gueule, qu'elle gardait sans cesse ouverte, ils y allongèrent plusieurs coups. Toutes ces pointes à éviter donnaient assez d'affaires à la bête. Elle continuait à tenir le petit sous sa patte, mais elle n'avait plus le temps de le déchirer.

    ♦ Ce qu'elle put, ce fut de saisir entre ses dents la baïonnette de PORTEFAIX et elle la faussa. A un coup heureux qu'il lui porta, elle fit un saut en arrière, abandonnant cette fois le petit dans la sagne. PORTEFAIX passa aussitôt entre elle et lui, qui se releva et s'accrocha au pan de sa veste. "La bête" se retira sur un tertre. Enhardis, les enfants l'y poursuivirent et, enfin, ils la mirent en fuite ...

La vaillance comme elle se fait aimer, toujours. C'est que l'homme est né pour le courage. Non pas pour cela seulement, mais pour cela d'abord. Le petit PORTEFAIX fut fêté. Le Roi le fit récompenser et envoyer aux écoles; il devint officier d'artillerie." [Réf]

Ce combat restera un des plus célèbre de l'histoire de "la bête", il y a de nombreux documents à son sujet et sur l'histoire de Jacques PORTEFAIX:

    ♦  le 16 avril 1765, PORTEFAIX, pupille du Roi Louis XV, est admis en pension chez Les Frères de la Doctrine Chrétienne, ou Frères Ignorantins, de MONTPELLIER.

    ♦ durant ses 5 années de scolarité, de 1765 à 1770, il sera placé sous la responsabilité du Frère Véran DELACROIX. Boursier du Roi, il recevait mensuellement une pension pour payer ses études et ses frais divers. En échange, il devait se conduire et travailler au mieux et effectivement, il fera de rapides progrès, sachant vite lire et écrire.

    ♦ en Novembre 1770, Jacques PORTEFAIX, accompagné par Frère Véran DELACROIX, quitte l'école de MONTPELLIER pour se rendre à L'Ecole du Corps Royal d'artillerie, annexée au régiment d'AUXONNE, près de DOUAI dans les FLANDRES. A ce moment là, ses supérieurs lui conseillent de changer son nom pour celui de VILLARET (son village natal), comme le prouve la lettre du Prince de BEAUVAU à l'intendant du LANGUEDOC.

    ♦ A l'école militaire de DOUAI, Jacques VILLARET, sous les ordres de M. de BREAUD, se met au travail et réussit à obtenir un brevet de lieutenant d'artillerie en 1785, comme nous l'indique sa lettre à l'Intendant du LANGUEDOC datée du 08 mai 1785. Malheureusement Jacques VILLARET ne profita guère de son grade de lieutenant car il mourut le 14 août 1785 à l'âge de 32 ans, soit 18 ans après 'La bête du Gévaudan'. [Réf]

    ♦ Au nord de CHANALEILLES, le VILLARET D'APCHER, village d'où est originaire Jacques PORTEFAIX, qui se rendra célèbre à treize ans en mettant la fuite 'La Bête du Gévaudan'. [Réf]

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Une mère arrache ses enfants au monstre !

Le 13 mars 1765, en milieu de journée, 'la bête' attaque une femme et ses trois enfants dans leur jardin au hameau de LA BESSIERE, sur la paroisse de SAINT-ALBAN.


Le curé BERAUD de SAINT-ALBAN, mis au courant de l'attaque de 'la bête' contre Jeanne JOUVE et ses enfants, se rendit à son chevet et rédigea un rapport pour l'Evêque de MENDE:

    ♦ "Mgr l'Évêque, je dois à votre grandeur le récit circonstancié du spectacle mémorable qu'une mère généreuse vient de nous donner dans la paroisse……Elle a défendu peut-être une demi-heure deux de ses enfants attaqués par la trop fameuse 'Bête féroce' et elle lui en a arraché un troisième à plusieurs reprises, mais blessé dangereusement. Jeanne CHASTANG, femme de Pierre JOUVE est cette mère malheureuse qui mérite un meilleur sort. Mère de six enfants dans son septième lustre d'une faible et mince complexion, elle avait trois de ses enfants autour d'elle à l'heure d'environ midi dans un jardin au devant de sa demeure à dix pas. Elle faisait avec eux son petit dîner en leur faisant prendre le soleil……Elle se retirait vers la maison et était déjà à la porte du jardin, un petit garçon de six ans devant elle et à ses côtés une fille de 9 ans qui portait dans ses bras un petit frère d'environ quatorze mois………Elle entend tomber une pierre de la muraille et se retournant, elle voit sa fille prise par la Bête au bras et renversée sous ses yeux avec le petit qui était entre ses mains. Cette petite fille serre davantage ce petit enfant dans ses bras et s'attache à le conserver. La mère s'oubliant elle-même et ne remarquant même pas le péril se jette courageusement sur la Bête et la force à lâcher le bras de la fille, qui se relève et s'efforce d'éloigner l'animal à coup de pied, n'ayant pas la liberté des bras. Le féroce animal revient à la charge contre cette fille et le dépôt et les jette à la muraille. La mère les couvre de son corps et les garantit, mais elle n'a pas le temps de craindre pour ce petit garçon qui se trouvait derrière elle, occupée à défendre les deux autres.

  ♦ Elle n'est appelée à lui que par le bond de l'animal, qu'elle voit se lancer sur lui. Elle se jette comme un éclair contre lui et la Bête la prend de ses griffes par le bras et la renverse et vole sur l'enfant, qui invoque sa mère et l'aide par ses cris à se relever. Le courage seul la dirige et lui inspire les expédients. Elle s'élance de côté sur l'animal, le serre de ses genoux et lui presse le col contre sa poitrine de ses faibles bras. L'animal tombe et s'agite, et secoue cette femme, qui se relève et revient au combat. Le combat recommence jusqu'à huit et dix fois. La mère reçoit des coups de griffes sur sa poitrine et autour de son corps ; elle est serrée violemment au bras. La coiffure lui est arrachée et elle est jetée à terre encore plusieurs fois. Et le petit garçon étant vers le milieu du jardin, la mère accourt pour l'arracher à l'animal et le fait lâcher. Mais il est repris et la mère attaquée de nouveau et renversée et l'enfant est porté au bout du jardin. La tendre mère se relève armée d'une pierre, vole sur la bête et se mesure de nouveau avec elle en la frappant sur la tête à coups réitérés. Elle est encore renversée et son cher enfant emporté hors du jardin à travers des broussailles qui le ferment de ce côté. En un point où elles ne joignent pas exactement, la mère attend la bête au passage et la prend par un pied de derrière, mais elle ne peut la retenir. Elle la suit par la demi-ouverture de la haie et saute haut de près d'une toise aux pieds de son enfant que la bête tenait par la tête et s'efforce de le ravir à sa fureur. Mais en vain l'animal lui souffle avec véhémence au visage et sautant encore dans un pré y transporte l'enfant que la mère n'abandonne point. Elle saute aussi ; mais l'enfant est transporté loin de cent pas. La mère court vers son cher objet invoquant le ciel et ne pouvant faire parvenir ses cris jusqu'au domaine où est le reste de la famille.

  ♦ Heureusement ses deux premiers fils se préparent dans le même moment à mener paître le troupeau. Le plus jeune, âgé d'environ treize ans, se trouve à la porte de l'étable, son espèce d'hallebarde à la main, entend les cris de sa mère et y répond en y accourant, le chien avec lui. Le dogue le prévient, assaille la Bête à la tête et la renverse à terre. L'enfant arrive, donne par derrière à la Bête un coup de sa hallebarde qui n'entre point ; mais la Bête lâche l'enfant et monte en un champ. Le chien monte avec elle et l'attaque encore ; mais l'animal le rejette à quatre pas et disparaît. Le petit garçon se relève couvert de son sang et court vers sa mère qui était arrivée sur le lieu, lui demandant de le délivrer de cette Bête dans la gueule de laquelle il se croyait encore. Elle n'a pas remarqué son autre fils qui était accouru, sinon lorsqu'elle l'a vu auprès de la Bête la frapper, sa tendresse l'exposait encore.

  ♦ Le petit garçon a le nez emporté jusqu'à la racine, assez avant dans la tête pour faire craindre qu'il ne puisse pas guérir. Il a du reste la peau extérieure du crâne emportée par derrière, non au milieu. La mère et sa petite fille n'ont aucune plaie. L'enfant de Jeanne JOUVE mourut de ses blessures trois jours après le combat de sa mère contre la bête.

Le Roi fut informé de cette attaque et décida d'accorder une récompense à cette mère si courageuse ainsi que l'indique une lettre du 30 Mars 1765, rédigée à VERSAILLES, par le Ministre M. de SAINT FLORENTIN à l'intendant du LANGUEDOC M. de SAINT PRIEST:

  ♦ "J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire en m'envoyant l'extrait de celle que vous avez écrite M. De MORANGIES. Le Roi à qui j'ai rendu compte des faits qu'elle contient a cru devoir récompenser le courage avec lequel la femme de Pierre JOUVE a défendu ses enfants; et Sa Majesté m'a chargé de vous marquer qu'elle voulait lui accorder une gratification de 300 livres. M. le contrôleur général doit pourvoir au payement de cette somme."

Ordonnance faite à MONTPELLIER, le 10 avril 1765, par SAINT PRIEST:

  ♦ "Marie-joseph-Emanuel de GUIGNARD de SAINT PRIEST, Chevalier, Seigneur d'AVILET, RENAGE, BEAUCROISSANT et autres lieux, conseiller du Roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police et finance en la province du LANGUEDOC.

  ♦ Vu la lettre à nous adressée par M. le contrôleur général, le premier de ce mois par laquelle ce ministre nous instruit qu'il a plu au Roi de l'autoriser à faire payer, à titre de secours, à la femme du nommé Pierre JOUVE, rentier du domaine de LA BESSIERE, dépendante de la paroisse de SAINT ALBAN, la somme de trois cents livres; en considération des marques surnaturelles de courage qu'elle a données, malgré sa faible complexion pour défendre ses enfants en bas âge des attaques de la Bête féroce qui ravage le GEVAUDAN,

  ♦ Nous ordonnons que la délivrance de ladite somme de trois cents livres sera faite à la femme du nommé Pierre JOUVE, par le sieur trésorier de la Province, qui en sera remboursé sur l'état que nous adresserons au Ministre de toutes les dépenses relatives au même objet, conformément à ce qui nous a été marqué précédemment par M. le contrôleur général."

Une gravure parue en 1840 dans 'LE JOURNAL DES CHASSEURS' évoque le combat de Jeanne JOUVE pour sauver ses enfants.[Réf]


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La pucelle du Gévaudan contre la Bête

Le 11 août 1765 , la servante du curé de PAULHAC, Marie -Jeanne VALLET, se rendait avec sa soeur à une ferme proche du village. En traversant un  ruisseau, le sentier forme une sorte de petite île entre deux ponts de bois. C'est au milieu de cette île que se cachait la bête. Lorsqu'elle se lança à l'attaque, Marie-Jeanne qui avait vingt ans et qui était hardie, adroite et robuste, lui porta de toutes ses forces un coup de la baïonnette (couteau ficelé au bout d'un bâton) que tout un chacun emportait avec lui en ces temps là. La lame tranchante entra à moitié dans le poitrail de la bête et se teinta de sang. La bête cria, porta la patte à sa blessure, se frotta, puis se jeta dans la rivière, s'y roula plusieurs fois et déguerpit. ANTOINE, prévenu de l'affaire, alla sur place pour mener son enquête, il interrogea Marie-Jeanne et sa soeur, rédigea un procès verbal, nomma même Marie-Jeanne "la Pucelle du Gévaudan". Il espéra que le coup avait été fatal à la bête, mais en vain car bientôt, attaques et meurtres reprirent de plus belle.

Suit le procès-verbal, sur l'attaque de la domestique de Monsieur le curé de PAULHAC , établi par Antoine TOURNON et Lafont DUMONT, curé:

  ♦ 'L'an 1765 et le 11ème jour du mois d'août à la paroisse de PAULHAC en GEVAUDAN; nous François ANTOINE, lieutenant des chasses du Roi, étant envoyé par les ordres de Sa Majesté avec nombre de gardes chasse tant des capitaineries royales de Saint-Germain, Fontainebleau, parc de Versailles que ceux de leurs Altesses Sérénissimes princes du sang, nous étant transportés tous, tant au village de SERVIERES en GEVAUDAN, qu'en celui de la FONT-DU-FAU, en AUVERGNE, pour faire deux grandes battues qui doivent se joindre au GRAND BOIS-NOIR pour que ces deux battues puissent l'entourer. Nous avons été interrompus dans lesdites battues par la nouvelle que nous avons reçue qu'une fille venait d'être attaquée par la bête ou les loups près dudit PAULHAC, où nous nous sommes transportés avec toute la diligence possible et de là à l'endroit où cette fille avait été attaquée par la bête. Nous avons reconnu par le pied en différents endroits que c'était toujours le même loup qui avait fait ces derniers ravages, que cet animal en refuyant avait toujours suivi la rivière et l'avait repassée en plusieurs endroits, et que de là, il avait été poursuivi très loin par des chiens des bergers, ce qui a fait que nos limiers n'ont pu en prendre la suite plus loin que trois ou quatre cents pas. Ce qui nous a fait beaucoup de peine. D'ailleurs, il y avait plus de six heures de temps que cette bête avait attaqué la nommée Marie-Jeanne VALET, servante de M. Bertrand DUMONT, curé de la paroisse dudit PAULHAC, ici présent ainsi que Marie-Jeanne VALET. Laquelle après lui avoir fait lever la main et prêter serment de dire la vérité et lui avoir demandé l'âge qu'elle avait, 19 à 20 ans, et qu'elle allait de PAULHAC à la métairie de BROUSSOUX, qu'elle avait été attaquée entre les deux petits ponts qui sont sur la rivière où elle se divise en branches et y forme une petite île, couverte de bois qui laissent environ dix pieds de découverts et que dans cet endroit, la bête lui était apparue en tournoyant. Ce que voyant ladite Marie-Jeanne VALET, tout effrayée, avait reculé de quatre à cinq pas et que dans le moment la bête s'était voulu élancer sur elle. Elle lui avait porté dans le poitrail de toute sa force un coup de la baïonnette qu'elle portait. Nous étant fait présenter ladite baïonnette, nous avons reconnu qu'elle était teinte de trois pouces de sang . Interrogée ladite Marie-Jeanne VALET sur ce que ladite bête avait fait lorsqu'elle avait reçu ce coup ; a répondu qu'elle avait fait un cri assez fort en se portant le pied de devant à la blessure qu'elle avait reçue ; après quoi elle s'était jeté dans la rivière, où elle s'était roulé plusieurs fois ; après quoi elle ne sait pas ce qu'est devenu ledit animal. Interrogée de l'heure qu'il était et si elle était seule lorsque cette bête est venue l'attaquer : a répondu qu'il était de dix à onze heures du matin, et qu'elle était accompagnée de Thérèse VALET, sa sœur cadette, âgée d'environ seize ou dix-sept ans. Interrogée comment il lui avait apparu que cette bête était faite ; elle a répondu qu'elle l'avait aperçue de la taille d'un gros chien de troupeau, ayant une tête très grosse et plate, la gueule noire et de belles dents, le collier blanc et le col gris ; qu'elle était beaucoup plus grosse par-devant que par derrière, qu'elle avait le dos noir. Ensuite de quoi, nous avons interrogé ladite Thérèse VALET, sœur de la susdite, sur tout ce qu'elle avait vu arriver à sa sœur lorsque cette bête l'a attaquée: a répondu qu'elle était tout à côté de sa sœur, et elle nous a déclaré étant interrogée en particulier généralement les mêmes faits que sa sœur, nous ayant dit ne savoir signer ni l'une ni l'autre de ce interpellées. En foi de quoi, nous avons tous signé le présent procès-verbal, le jour et an que de l'autre part'.

Le combat de Marie Jeanne VALET a inspiré Philippe KAEPPELIN pour réaliser le monument de bronze d'AUVERS.[Réf]


La Bête d'ANTOINE

Francois ANTOINE (dit Monsieur ANTOINE), surement accompagné de son fil cadet, Robert-Francois ANTOINE de BEAUTERNE, remplace les DENNEVAL, retournés en NORMANDIE, totalement découragés [Réf]

Il est 'porte arquebuse du Roi ' et Grand Louvetier du Royaume. C'est le Lieutenant des Chasses de Louis XV.

Accompagné de 14 gardes chasse, d'une meute de plusieurs dizaines de chiens, de limiers et de quatre grands chien de la Louveterie Royale , il organise les battues avec l'aide des cavaliers de la maréchaussée, dont la plupart gendarmes sont issus du terroir. [Réf]

Lors de la battues du 20 Septembre 1765, avertis par ses gardes chasse, il arrive en 'grand équipage' et'fort content de lui', tire le fameux loup comme à la parade, à cinquantes pas, puis à dix pas, l'atteint d'abord au défaut de l'épaule, comme il se doit, puis au droit de l'œil. Le grand loup fait encore vingt cinq pas et tombe raide mort.

La "bestio" est d'une hauteur de trente deux pouces, d'une longueur de cinq pieds sept pouces et demi, la grosseur du corps de trois pieds, le poids de cent trente livres. Tout le monde présent, et il y a de nombreux témoins, y compris les piqueurs de la Louveterie Royale, spécialistes en la matière, reconnaît un loup de très belle taille quoique de couleur assez inhabituelle. Mais Monsieur ANTOINE ergote, tergiverse, parlemente, argumente et finit par officiellement rapporter:

  ♦ "Nous déclarons par le présent procès verbal signé de notre main, n'avoir jamais vu aucun loup qui puisse se comparer à cet animal. C'est pourquoi nous avons jugé que ce pourrait bien être la bête féroce qui a fait tant de ravages "...

Le Grand Louvetier et Porte Arquebuse du Roi ayant décrété "qu'il avait vu les étoiles à midi", chacun se mit consciencieusement à observer le ciel. Le loup se mit à ne plus du tout ressembler à un loup mais à une "bête", "oune bestio" comme on dit là bas. [Réf]

Son loups a été présenté officiellement comme étant "LA bête du Gévaudan":

  ♦ " Celui tué le 20 septembre 1765 par ANTOINE, porte arquebuse du Roi dans le bois de POMMIERS (rive droite de l'ALLIER au nord-est d'AUVERS) relevant de l'abbaye royale des CHAZES."

Antoine, envoyé personnel du Roi se devait de réussir et effectivement après avoir abattu un grand loup mâle (poids de 130 livres, long de 1,85m, haut de 86,5cm) les crimes cessent.....pour un temps.

Le loup d'ANTOINE est naturalisé puis expédié à VERSAILLES à la cour. ANTOINE, prudent attend quelques temps, puis n'entendant plus parler de bête, il repart pour recevoir honneurs et récompenses. [Réf]

La "bestio del Gebaudan" sera naturalisée. L'empailleur reçut des ordres très précis quant à la taille et à la forme particulière de la "bête", qui commençait par ailleurs à se décomposer, et fut donc contraint de la dépouiller afin d'étendre sa peau sur un moule. Il ne s'en étonna pas outre mesure car ce type de demande était coutumière des collectionneurs de trophées empaillés. C'est pourquoi, afin d'éviter toute contestation, les puristes méfiants préféraient présenter des "massacres", c'est à dire le crâne de l'animal dépourvu d'artifices. [Réf]

Le "bestio" empaillé fut présenté à VERSAILLES ou Monsieur ANTOINE fut reçu en véritable héros. Il recevra le règlement de ses dépenses, seize mille soixante quinze francs or et trente huit centimes, somme jugée extravagante à l'époque, plus une très importante prime ainsi que des terres et des titres dont la Croix de Saint Louis. Cette "affaire " lui rapporta bon an mal an 200 000 livres de revenus. Soit plusieurs centaines de millions de francs actuels.[Réf]

Les récompenses promises:

  ♦ 6.000 livres du Roi, 400 livres des syndics de MENDE et de VIVIERS, 2.000 livres des états généraux du LANGUEDOC, 1.000 livres de l'Evêque de MENDE soit un total de 9.400 livres ...  [Réf]

  ♦ Ceci était une somme assez considérable pour l'époque: considérable et alléchante! Cette somme représentait la valeur de 94 chevaux du pays ou l'équivalent des primes de la destruction de 1 556 loups!  Ce qui explique que la compétition entre chasseurs était rude! [Réf]

NOTA : Monsieur ANTOINE avait demandé 'du secours' (2 valets, 12 chiens …), en chemin le 15, arrivés le 16, et le 18, il avait envoyé ses gardes chasse PELISSIER et LACORT, ainsi que son valet LAFEUILLE, dans la foret du BOIS DES DAMES, avec des cages soigneusement recouvertes; puis le 19 ces derniers l'avertissent qu'ils ont vu 'le loup'. Curieusement, il se dit qu'un grand loup des Carpates, trés connu des Parisiens, avait disparu, début Septembre 1765, subitement de la ménagerie du Jardin des Plantes de PARIS...

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La bête et les CHASTEL

Le jeune Marquis d'APCHER habitant au château de BESQUES près de CHARRAIX, menait depuis longtemps la chasse à la bête avec les gens de ses terres. Au cours de la grande battue du 19 juin 1767, (300 rabatteurs, 12 gardes-chasse expérimentés), le fameux Jean CHASTEL tua la bête (de sexe mâle). Un procès verbal conservé aux archives nationales et rédigé le 20 juin 1767 par Maître MARIN notaire royal de LANGEAC, nous renseigne de la manière suivante:

    ♦ "Le Marquis d' APCHER partit ce même jour, dix huit du présent mois, sur les onze heures du soir, avec quelques chasseurs de sa maison et quelques autres de ses terres, qu'il assembla précipitamment en tout au nombre de douze. S'étant transporté dans sa forêt, sur la montagne de MARGERIDE, posté ses gens, battu cette forêt et ensuite celle de Mr le Marquis de PONS, cet animal féroce se serait présenté sur les dix heures un quart du jour d'hier, dix neuf du présent, à un de ses chasseurs nommé Jean CHASTEL .....lequel tira un coup de fusil à cet animal, duquel il tomba mort au bord de la forêt appelée la TENAZEYRE, de la paroisse de NOZEYROLLES......Mr le Marquis d'APCHER nous a fait représenter cet animal qui nous a paru être un loup; mais extraordinaire et bien différent par sa figure et ses proportions des loups que l'on voit dans ce pays. C'est ce que nous ont certifié plus de trois cent personnes de tous les environs qui sont venues le voir.... "

Il rencontra la Béte, posté au creux d'un chemin, ou il lisait ses priéres. Elle ne bondit pas et semblait l'attendre. Il prit son temps, acheva sa lecture, arma son fusil et tira. Elle s'effondra et ne se releva plus.

ja au printemps 1767, des pèlerinages avaient étés organisés pour demander au ciel la délivrance du pays: à  Notre-dame d'ESTOURS, sur la SEUGE entre SAUGUES et PRADES, puis à Notre-Dame de BEAULIEU au pied du Mont CHAUVET. A ce dernier, le nommé Jean CHASTEL, de la BESSEYRE SAINT MARY fit fondre les médailles de la Vierge qu'il portait à son chapeau, et obtint 3 balles q'il fit bénir par le prétre.

Ce dernier (dit "le masque"), était excellent chasseur, "meneur" de loups, et son fils aîné, Pierre CHASTEL, gérait depuis LA BESSEYRE une partie des intérêts et des terres de Madame d'APCHER de CHATEAUNEUF, alors que son  fils cadet, Antoine CHASTEL,  était garde chasse dans le bois de TENAZEYRE ... situé au cœur du Mont MOUCHET... ou il vivait généralement seul, aprés une vie mouvementée, et entouré d'une meute de chiens ...

Un villageois l'aurait méme reconnu, se baignant dans un ruisseau prés de sa maison, une nuit de pleine lune, et couvert de poils fauves. [Réf]

Déja encore, le 16 Aout 1765, deux gardes chasses assermentés de sa majesté, LACHENAY et PELISSIER, avaient été 'mis en joue' par les 2 fréres CHASTEL ... ce qui leur valu un emprisonnement du 17 Aout 1765 au 02 Septembre 1765, puis ils sortirent du cachot, probablement sur une 'intervention'. . . [Réf]

Aprés l'exploit, Jean CHASTEL fit embaumer, à ses frais, la 'béte', par un pharmacien apothicaire de SAUGUES, du nom de Sieur BOULANGER. Mais elle se transforma assez rapidement en une 'charogne puante et grouillante', qu'il fallut enterrer en une grande partie, en la foret de FONTAINEBLEAU. Une patte fut conservée, présentée à BUFFON, qui déclara s'agir d'un loup.

Jean CHASTEL toucha une prime ridicule et fut prié de se faire sérieusement oublier. L'affaire était close . Les massacres cessérent pour de bon.

Peu aprés sa mort, les villageois brulérent sa maison et purifiérent le lieu avec du gros sel ...


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Le rapport MARIN

Ce document, rédigé au château de BESQUES par Maître MARIN, notaire royal, le 20 juin 1767, le lendemain de la mort de la bête tuée par Jean CHASTEL à LA SOGNE D'AUVERS a été retrouvé par Mme Elise SEGUIN en 1958 aux Archives Nationales (liasse F 10-476, fonds agriculture, destruction des animaux nuisibles):

  ♦ "Aujourd'hui vingtième jour du mois de juin mil sept cent soixante sept (28 Juin 1767), nous Roch Etienne MARIN notaire royal, Bailly de l'abbaye Royale des CHAZES, SAINT ARCONS, de la Baronnie de PRADES, BESQUES de CHARRAIX, commis à la subdélégation de LANGEAC, pour le bon plaisir de Monseigneur de BALLAINVILLIERS, Intendant de cette province d'AUVERGNE, en l'absence de Mr le Subdélégué, sur ce que nous avons appris que Mr le Marquis d'APCHIER, fort occupé des ravages affreux que faisait depuis plusieurs années une bête féroce sur les frontières de cette province d'AUVERGNE et de celle du GEVAUDAN, pour la destruction de laquelle il avait fait une infinité de chasses, mais infructueusement, et qu'enfin cette bête ayant encore paru dans la paroisse de NOZEYROLLES et la paroisse de DESGES le dix huit du présent mois et dévoré un enfant ce même jour, Mr le Marquis d'APCHIER en aurait été averti et serait parti ce même jour, dix huit du présent mois (18 Juin 1767), sur les onze heures du soir, avec quelques chasseurs de sa maison et quelques autres de ses terres qu'il assembla précipitamment, en tout au nombre de douze . S'étant transporté dans sa forêt sur la montagne de MARGERIDE, posté ses gens, battu cette forêt et ensuite celle de Mr le Marquis de PONS, cet animal féroce se serait présenté sur les dix heures un quart du matin du jour d'hier, dix neuf du présent (19 Juin 1767), à un de ces chasseurs nommé Jean CHASTEL du lieu et paroisse de LA BESSEYRE, lequel tira un coup de fusil à cet animal duquel il tomba mort au bord de la forêt appelée LA TENAZAIRE en la paroisse de NOZEYROLLES. Mr le Marquis d'APCHIER ayant fait transporter cet animal à son château de BESQUES, paroisse de CHARRAIX, nous avons jugé à propos de nous y rendre pour en faire la vérification. Et étant au château de BESQUES, Mr le Marquis d'APCHIER nous a fait représenter cet animal qui nous a paru être un loup, mais extraordinaire et bien différent par sa figure et ses proportions des loups que l'on voit dans ce pays. C'est ce que nous ont certifié plus de trois cent personnes de tous les environs qui sont venues le voir. Plusieurs chasseurs et beaucoup de personnes connaisseuses nous ont effectivement fait remarquer que cet animal n'a des ressemblances avec le loup que par la queue et le derrière. Sa tête, comme on le verra par les proportions suivantes, est monstrueuse; ses yeux ont une membrane singulière qui part de la partie inférieure de l'orbite, venant au gré de l'animal recouvrir le globe de l'œil. Son col est recouvert d'un poil très épais d'un gris roussâtre, traversé de quelques bandes noires; il a sur le poitrail une grande marque blanche en forme de cœur. Ses pattes ont quatre doigts armés de gros ongles qui s'étendent beaucoup plus que celles des loups ordinaires, elles ont, ainsi que les jambes qui sont fort grosses, surtout celles du devant, la couleur de celles du chevreuil. Cela nous a paru une observation remarquable parce que de l'avis de ces mêmes chasseurs (mot rayé dans le texte) personnes connaisseuses et de tous les chasseurs, on n'a jamais vu aux loups de pareilles couleurs. Il a encore paru à propos d'observer que ses côtes ne ressemblent pas à celles du loup, ce qui donnait à cet animal la liberté de se retourner aisément , au lieu que les côtes des loups étant obliquement posées, ne lui permettent pas cette facilité.

Les proportions que nous avons fait prendre de cet animal sont :

  ♦ Longueur depuis la racine de la queue jusqu'au sommet de la tête : trois pieds (99,0 cm),
  ♦ Depuis le sommet de la tête jusque entre les deux grands angles des yeux : six pouces (16,2 cm),
  ♦ Des grands angles des yeux jusqu'au bout du nez : cinq pouces (13,5 cm),
  ♦ Largeur d'une oreille à l'autre : sept pouces (18,9 cm),
  ♦ Ouverture de la gueule : sept pouces (18,9 cm),
  ♦ Largeur horizontale du col : huit pouces six lignes (23,0 cm),
  ♦ Largeur des épaules : onze pouces (29,7 cm),
  ♦ Largeur à la racine de la queue : huit pouces six lignes (23,0 cm),
  ♦ Longueur de la queue : huit pouces (21,6 cm),
  ♦ Diamètre de la queue : trois pouces six lignes (9,5 cm),
  ♦ Longueur d'oreille : quatre pouces six lignes (12,2 cm),
  ♦ Largeur du front au-dessous des oreilles : six pouces (16,2 cm),
  ♦ Distance entre les deux grands angles des yeux : deux pouces six lignes (6,7 cm),
  ♦ Longueur de l'humérus : huit pouces quatre lignes (22,5 cm),
  ♦ Longueur de l'avant bras : huit pouces (21,6 cm),
  ♦ Longueur de la dernière articulation jusqu'aux ongles : sept pouces six lignes (20,3 cm),
  ♦ Longueur de la mâchoire : six pouces (16,2 cm),
  ♦ Largeur du nez : un pouce six lignes (4,0 cm),
  ♦ Largeur des mâchelières inférieures : un pouce trois lignes (3,4 cm),
  ♦ Longueur des incisives : un pouce trois lignes (3,4 cm),
  ♦ Longueur des mâchelières inférieures : six lignes (1,3 cm),
  ♦ Longueur des machelières supérieures : un pouce une ligne (2,9 cm),
  ♦ Longueur de la langue : quatorze pouces depuis sa racine (37,9 cm),
  ♦ Largeur des yeux : un pouce trois lignes (3,4 cm),
  ♦ Epaisseur de la tête : sept pouces (18,9 cm),
  ♦ Jambes de derrière de la première à la seconde articulation : sept pouces deux lignes (19,4 cm),
  ♦ De la seconde à la troisième articulation jusqu'aux ongles : dix pouces (27,0 cm),
  ♦ Largeur des pattes : quatre pouces six lignes (12,2 cm),
  ♦ De la châtaigne au bout de la patte : six pouces (16,2 cm),
  ♦ Longueur de la verge : sept pouces (18,9 cm),

La mâchoire supérieure est garnie de six dents incisives, la sixième étant plus longue que les autres, deux grandes lanières ou crochets éloignées des incisives et de la hauteur d'un pouce quatre lignes (3,6 cm) , d'un diamètre de six lignes (1,3 cm) , trois dents molaires, dont une assez petite et deux grosses, une quatrième molaire plus grosse que les autres et à laquelle est presque unie la cinquième et avant dernière qui est divisée en deux parties dont une s'étend perpendiculairement et l'autre s'allonge horizontalement dans l'intérieur du palais et enfin une sixième molaire.

La mâchoire inférieure est garnie de vingt deux dents: savoir six incisives et de chaque côté une lanière semblable aux supérieures, sept molaires: la première très petite et éloignée de la lanière, les trois suivantes sont plus grandes et semblables à la deuxième et troisième molaire supérieure, la cinquième plus grosse et longue est divisée en trois parties dont l'antérieure est moins longue, la sixième assez grande a deux éminences antérieures et latérales, la septième est très petite et presque égale.

Nous avons remarqué une blessure à trois lignes (0,7 cm) au-dessous de l'articulation de la cuisse droite tant intérieurement qu'extérieurement et avons touché au jarret trois grains de plomb. On nous a assuré que cette blessure devait être celle que lui fit le Sieur de LAVEDRINE, écuyer, par un coup de fusil il y a deux ans ou entour, plus une autre blessure ancienne à la cuisse gauche près de l'articulation, plus une ancienne blessure au-dessus de la paupière de l'œil gauche qui paraît avoir été faite par un instrument tranchant. Enfin cet animal a reçu le coup mortel par un coup de fusil qui lui a percé le col, coupé la trachée artère et cassé l'épaule gauche.

Sur le nombre des habitants de la campagne ici assemblés, les ci-après dénommés ont reconnu cet animal et assuré être le même qui a fait tant de ravages:

  ♦ Pierre ARET de SERVILLANGES, paroisse de VENTEUGES, a dit lui avoir tiré, au printemps 1766, le coup de fusil ci-dessus désigné à la jambe gauche.
  ♦ Jean Pierre LOUDES de LA VEYSSEYRE, paroisse de la ville de SAUGUES, âgé de 22 ans, a dit avoir fait quitter prise à cette bête qui tenait une fille du village de SAUZET au printemps 1766, à laquelle bête il porta un coup de baïonnette.
  ♦ Joseph REGOURD, Jean-Jacques LAURENT et Baptiste LONJON de SERVILLANGES ont dit lui avoir fait abandonner le nommé Guillaume BARTHELEMY qu'elle avait surpris en gardant le bétail.
  ♦ François LAURENT, de LA VACHERESSE , paroisse de VENTEUGES, âgé de 32 ans, a dit avoir été attaqué par cette bête depuis entour trois semaines.
  ♦ Joseph CHASSEFEYRE du lieu du FRAISSE, paroisse de CHANALEILLES en GEVAUDAN, a dit avoir été attaqué par cette bête, il y a un an. Elle arrêta ses bœufs attelés à un char, il eut beaucoup de peine à s'en défendre quoique armé d'un bigot.
  ♦ Antoine PLANTIN, de SERVIERES, paroisse de SAUGUES, âgé de 40 ans a dit que c'est le même animal qui lui enleva sa fille le deux mars dernier, que l'ayant poursuivie entour cinq cent pas, il la perdit de vue dans un bois et sa fille en fut dévorée.
  ♦ Barthélémy SIMON de SERVIERES, paroisse de SAUGUES, âgé de 22 ans, a dit être le même animal qui l'avait attaqué dans un pâtural au mois de septembre dernier et auquel il tira un coup de fusil.
  ♦ Laurent VIDAL de SERVIERES, âgé de 17 ans a dit que ce même animal l'avait attaqué en deux différents jours au mois de mai dernier, qu'heureusement il était armé d'une baïonnette, sans quoi il aurait péri. Il a ajouté avoir vu cette même bête dans un pâtural depuis entour quinze jours qui mangeait un enfant de Jacques MEYRONNEINC.
  ♦ Antoine LAURENT, de SERVIERES , âgé de 12 ans, a dit avoir été attaqué par cette bête il y a un mois et que sans le secours d'un homme il aurait péri.
  ♦ Jean BERGOUGNOUX, du mas de MONTCHAUVET, paroisse de SAUGUES, âgé de 48 ans, nous a dit que cette bête est la même qui lui dévora un garçon de neuf ans au mois de Mars 1766, qu'il l'avait poursuivie pour lors longtemps, mais inutilement. Il a ajouté que cette bête l'attaqua au mois de mars dernier, qu'il en aurait été dévoré s'il n'avait été armé d'une pelle ferrée.
  ♦ Anne CHABANEL de VIALLEVIEILLE, paroisse de SAUGUES, âgée de 17 ans, a dit que cette même bête l'avait attaquée au mois d'Août 1766 et qu'elle lui porta en vain plusieurs coups de baïonnette.
  ♦ Marguerite DENTIL, de VIALLEVIEILLE, âgée de 32 ans, a dit que cette bête l'avait attaquée le carême dernier et que sans une cognée dont elle était armée, elle aurait péri.
  ♦ Marie REBOUL de LA VEYSSEYRE, âgée de 19 ans, a dit que c'était la même bête qui l'avait attaquée le carême dernier, et nous a montré trois blessures qu'elle lui fit au-dessus du muscle du bras droit et une autre de six pouces (16,2 cm) en longueur depuis le haut du pariétal jusqu'au derrière de la joue et lui emporta l'oreille. La réunion des chairs n'est pas encore faite.
  ♦ Jean CHASSEFEYRE de LA VEYSSEYRE, paroisse de SAUGUES, âgé de 44 ans a dit que cette bête est la même qui dévorait ladite Marie REBOUL et que ce fut lui qui lui fit quitter prise.
  ♦ Elisabeth MOLHERAT de LA VEYSSEYRE, âgée de 28 ans a dit que c'était la même bête qui dévorait ladite Marie REBOUL au secours de laquelle elle accourut avec ledit Jean CHASSEFEYRE.
  ♦ Antoine DENTIL de LA VEYSSEYRE, âgé de 14 ans, a dit avoir été attaqué par cette même bête dans un bois le six du présent mois et qu'il lui porta plusieurs coups de baïonnette.
  ♦ Catherine FREYCENET de LA VEYSSEYRE âgée de 42 ans, a dit avoir été attaquée par cette bête au mois de Juillet 1766.
  ♦ Pierre COMBEUIL de LA VEYSSEYRE, âgé d'environ 22 ans, a dit avoir vu cette bête il y a deux ans qui tenait un enfant de huit ans qu'elle avait terrassé et qu'elle aurait dévoré sans le secours du père de cet enfant.
  ♦ Jean TEYSSEDRE du lieu de MEYRONNE, paroisse de VENTEUGES, âgé de 29 ans, a dit avoir été attaqué deux fois par cette même bête depuis entour dix huit mois.
  ♦ Jean-Pierre GUILHE du ROUVE, paroisse de VENTEUGES, âgé de 40 ans, a déclaré avoir été mordu par cette même bête à la hanche gauche il y a deux ans.
  ♦ Barthélémy MOUSSIER de MOURENNES, paroisse de VENTEUGES, âgé de 15 ans, a dit avoir été poursuivi par cette même bête le cinq du présent mois.
  ♦ Jean-Baptiste BERGOUGNOUX de VACHELLERIE, paroisse de PAULHAC en GEVAUDAN, a dit avoir été attaqué par cette même bête deux fois dans le courant de mai dernier.
  ♦ Antoine VEYRIER de POMPEYREINC, paroisse de LA BESSEYRE en GEVAUDAN a dit avoir été attaqué par cette bête le cinq du présent mois.
  ♦ Jean BOURRIER du lieu de POMPEYREINC, âgé de 12 ans, a dit qu'étant sur un arbre, cette même bête vint prendre au pied de cet arbre un autre enfant de son âge, que lui y accourut avec un homme qui se trouva aux environs et que cette bête se voyant poursuivie, quitta prise.
  ♦ Barthélémy DENTIL de SEPTSOLS , paroisse de LA BESSEYRE, âgé de 50 ans, a dit que cette même bête l'aurait attaqué dans un bois pendant trois fois le même jour, au mois d'avril dernier et qu'elle fit tous ses efforts pour enlever un petit enfant qui était à côté de lui.
  ♦ Jacques PIGNOL, de PONTAJOU, paroisse de VENTEUGES, âgé de 57 ans, a dit que cette même bête, au mois de mai dernier, se présenta à lui dans un pré et voulait enlever un de ses enfants qu'il avait entre ses bras.

Tout ce grand nombre d'habitants nous ont certifié que le ravage de cet animal était si affreux que depuis les fêtes de Pâques dernières, il aurait dévoré, en, différents endroits des frontières du GEVAUDAN et d'AUVERGNE au moins vingt cinq personnes.

Toutes les démonstrations ci-dessus ayant été faites, citées, proportions tirées par Maître Antoine BOULANGIER et Court–Damien BOULANGIER, Maîtres en arts de chirurgie habitants de la ville de SAUGUES, en présence de Monsieur Jean-Baptiste AIGUILLON de LAMOTHE, Docteur en médecine habitant de la ville de SAUGUES, dans la dissection de cet animal, nous ont fait voir que la tête, laissant un vide à ses côtés, imite parfaitement la proue d'un vaisseau et ont tiré de l'estomac un os qu'ils ont dit être la tête du fémur d'un enfant de moyen âge. Ils nous ont aussi fait remarquer que cet animal, depuis la patte de devant jusqu'à l'épine a la hauteur de deux pieds quatre pouces (76,8 cm) et que ses yeux sont de couleur rouge cinabre.

Et nous, ayant requis Monsieur le Marquis d'APCHIER et Monsieur le Comte d'APCHIER son père, s'ils voulaient cet animal es mains et sous le chargement du Sieur DESGRIGNARD brigadier de maréchaussée à LANGEAC ici présent, sur notre réquisition avec deux cavaliers de sa brigade, pour être envoyé à Monseigneur de BALLAINVILLIERS, intendant de cette province, Messieurs les Comte et Marquis d'Apchier nous ont répondu que Monseigneur de BALLAINVILLIERS n'était pas actuellement à CLERMONT et qu'ils jugeaient à propos de garder cet animal pour en disposer eux-mêmes de la manière la plus convenable.

De tout quoi, nous avons dressé le présent procès-verbal en quatre copies que nous avons signées avec lesdits Sieurs de LAMOTHE, BOULANGIER et ledit Sieur DESGRIGNARDS et en avons laissé deux à Monsieur le Marquis d'APCHIER qui les a requis et une troisième devant être envoyée à Monseigneur de BALLINVILLIERS intendant.

Fait ledit jour et an que dessus, MARIN, commis à la subdélégation de LANGEAC, Agulhon de Lamothe Doct. Boulangier C.D. ; Boulangier, maître chirurgien, Des Grignards, brigadier."

Il lève une part du mystère de la bête mais pose aussi questions ... [Réf]

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Les chasses et les chasseurs

Les premiers 'chasseurs' furent les paysans du pays: la plupart des armes à feu et des armes longues (armes de hast) ayant été confisquées dans la région (révolte des Camisards, aventure de Louis MANDRIN ...), ils utilisèrent donc pour se défendre le fameux couteau aveyronnais (devenus par la suite le Laguiole), emmanchés et faisant alors office de baïonnette. La plupart des vachers et des bergères étaient équipés de cette arme de fortune ou d'un simple bâton ferré.[Réf]

Mais de grandes battues furent néanmoins organisées, assez rapidement sous la direction de DUHAMEL, capitaine major de CLERMONT, sur ordre du Comte de MONCAN, gouverneur militaire du LANGUEDOC: le 07 février 1765, une battue mobilisa 73 paroisses du GEVAUDAN, 30 d'AUVERGNE et 18 du ROUERGUE ... soit plusieurs milliers d'hommes (sans le moindre résultat).[Réf]

Il fut donc remplacé par les DENNEVAL, père et fils, des gentilshommes de NORMANDIE qui étaient considérés comme les meilleurs louvetiers de FRANCE. Ils comptaient plus de douze cents loups à leur tableau de chasse et avaient, notamment, débarrassé la Forêt Royale d'EU, en NORMANDIE, des loups qui l'infestaient. Ils étaient accompagnés d'un valet, d'un piqueur, de six limiers et de deux grands chiens dressés à tuer le loup. Ils abattent assez rapidement plusieurs loups , dont certains de belle taille, mais le massacre continue de plus belle et sont donc contraints de demander l'appui de l'armée pour organiser des battues. [Réf]

Malheureusement ce sont les DRAGONS qui sont envoyés en renfort ... les mêmes qui avaient, dans la région, commis de nombreuses exactions, connues sous le terme évocateur de "dragonnades", à l'occasion de "la révolte des Camisards"... Ils sont donc détestés par la population qui, malgré la menace de la "Bête", prend un malin plaisir à les lancer sur les plus mauvaises pistes.

Les gazettes anglaises publient des railleries visant l'armée française dont "Cent vingt mille hommes ont été tenus en défaite par un seul animal inconnu qui après avoir dévoré 25 000 hommes et avalé tout le train d'artillerie s'est trouvée le lendemain vaincue par une chatte ! ".[Réf]

Le remplacant sera François ANTOINE, porte arquebuse du Roi et Grand Louvetier du Royaume... accompagné de 14 gardes chasse, d'une meute de plusieurs dizaines de chiens, de limiers et de quatre grands chiens de la Louveterie Royale qui ont chacun tué plusieurs loups. Les battues reprennent de plus belle avec l'aide des cavaliers de la maréchaussée dont la plupart des "Gendarmes " sont issus du terroir. Le 09 août 1765 l'une d'entre-elles mobilise 117 batteurs armés, plus de 600 hommes et presque une centaine de chiens (sans le moindre résultat ). [Réf]

Le 16 Septembre, Antoine de BEAUTERNE se plaint, par courrier, que le fameux "secours" n'est pas encore arrivé malgré les promesses de Monsieur l'Intendant Général... Mais le 17 Septembre le "secours " arrive enfin (2 valets de chiens et 12 chiens...).

Le 21 Septembre, Monsieur ANTOINE arrive en grand équipage. Il tire le fameux loup comme à la parade à cinquante pas puis à dix pas où il l'atteint d'abord au défaut de l'épaule, comme il se doit , puis à l'œil droit. Le grand loup fait encore vingt cinq pas et tombe raide mort.

A son départ, ce sera le Sieur Jean Joseph de CHATEAUNEUF-RANDON, Marquis d'APCHER, Baron de LA GARDE, de THORAS, de CENARET et de LA CLAUSE, Seigneur de BESQUE, de VERDUN, de CLAVIERE, Colonel de la Gendarmerie Royale, Maréchal de camp du Roi et Chevalier de l'Ordre de Saint Louis qui prendra le relais.

De son coté, le Marquis d'APCHER dirigeait les opérations depuis le Château de BESQUE, situé sur la paroisse de CHARRAIX.

Les uns et les autres utilisaient les services de la famille CHASTEL ...

Entre le 10 mai 1764 et le 21 avril 1767, 346 loups furent tués, (dont 251 furent l'objet de primes répertoriées). Sources: [Réf]


Plus.....

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